Guy Ménard, Chambly, 19 juin, 21h30: Après un Grand défi Pierre Lavoie, je pose toujours les
mêmes quatre gestes. La médaille des participants dans mon bureau, le numéro de
coureur sur une poutre de l'atelier des vélos, mon bracelet sur le levier de
vitesse de ma voiture et, finalement, un dernier texte, bilan annuel pour le
blogue de l'équipe. Nous y voici.
Levier de vitesse de ma voiture |
La pluie et le froid ont volé la vedette de l'édition 2014.
Il a plu sans arrêt pendant 80% du trajet, du jeudi en après-midi, à La Baie,
jusqu'à samedi en soirée, à Shawinigan. Conditions difficiles, pour le moral autant
que pour le physique.
Quelques constats à
propos de la pluie à vélo:
1. On n'a jamais trop
de matériel. Il faut apporter de tout, au cas où. Mais personne n'aurait pu
prévoir ce déluge. Alors on roule avec du mouillé et du semi-sec qui passera
rapidement au grade "mouillé".
2. Les roues en
carbone, mouillées, ça ne freine pas: premier GDPL avec ces roues et,
franchement, un peu effrayant par moment. On en vient à toujours tenir un
quasi-freinage pour se garder de la traction. Pas reposant.
3. Les cyclistes sont
inventifs: j'en ai vu avec des gants de vaisselle, des bonnets de douche
sur ou sous le casque, deux imperméables superposés, des sacs en plastique dans
les souliers, n'importe quoi pour se garder ou essayer de se garder au sec.
4. Le commerce c'est
le commerce: une mini boutique suit le convoi et vend des pièces et
quelques vêtements. Ils ont très rapidement écoulé tout le stock de
couvre chaussures étanches, de sabots de freins et d'imperméables. À fort prix.
Nos 24 petits amis de
Sainte-Rose-du-Nord
Jeudi le 12 en avant-midi nous avons pris quelques heures
pour aller à Sainte-Rose-du-Nord, rencontrer les jeunes de l'école que nous
appuyons. Belle surprise pour les enfants, chacun avait sa photo sur notre VR.
Après les présentations, nous sommes allés à l'école, leur parler de ce que
nous allions faire et répondre à leurs questions. Ce qui m'a valu un sérieux
rappel à l'ordre. Ce qui est exotique pour un ne l'est pas nécessairement pour
un autre.
Une fillette me demande quel est mon plus beau souvenir à
vélo. Je raconte une fois, en Beauce, où le peloton était arrivé doucement dans
une vallée ce qui m'avait surpris, un troupeau de vaches. Elles s'étaient enfuies
en panique, un spectacle grandiose dans le soleil couchant. Je me trouve
presque poétique quand j'entends une petite voix:
- Moi, des vaches, j'en ai dans ma cour!
Bon, évidemment, dans ce cas-là, on trouve ça moins
spectaculaire... La prochaine fois je leur raconterai des histoires d'asphalte,
d'embouteillages et de grands buildings!
Par contre, je leur avais dit qu'on aurait besoin de leur
aide et je crois que ça a marché. Je leur ai mis ça épeurant: "Du froid,
de la pluie, la noirceur... on va avoir besoin de vous! Ben je vous le jure, je
crois que les jumelles Kelly et Marika m'ont poussé dans les côtes du Parc. En
tout cas, moi j'ai pensé à elles.
La Boucle
Une quarantaine d'amis, collègues, partenaires d'affaire se
sont joints à nous pour faire la Boucle, l'étape "grand public" du
GDPL. Grand public pour la participation avec ses 4000 cyclistes qui s'ajoutent
aux 1000 du Défi. Mais complètement sportive avec ses 135 kilomètres sous la
pluie.
Pour plusieurs, c'était le point culminant d'un projet de remise
en forme initié par nous. Une forme de défi que nous leur avions lancé. Un gros
succès. Je n'ai pas pu rouler avec tous mais parmi ceux avec qui j'ai fait des kilomètres, je mentionne:
Michel Simoneau de Domtar à Windsor, devenu un mordu de vélo; Michel Roy de
SNC-Lavalin, un ex-collègue chez Alcan, très à l'aise sur la bécane;
Louis-Martin Pilote, un ricaneux de première classe qui trouve toujours quelque
chose de drôle à dire, même avec de l'eau plein le visage,; Valérie Bouchard,
d'Ivanhoé Cambridge, une solide rouleuse qui a fait honneur au CCCP (non, pas
l'ancien empire soviétique, le CCCP c'est le Club Cycliste Cyclo Pop, son club
montréalais) ainsi que son collègue Jacques Rajotte, qui mériterait un
"mollet d'or" pour la progression: Jacques est passé, en un hiver d'entraînement,
de "faut que je m'achète un vélo de course" à "je peux tirer un
peloton sur des kilomètres".
Nous avons reçu des très beaux témoignages d'appréciation de
tous ces gens et dans pratiquement tous les cas, ça se terminait par quelque
chose comme: si vous le refaites l'an prochain, on embarque!
Gardez la forme, les amis, il y a de grandes grandes chances
qu'on se revoit sur la ligne de départ à la mi-juin 2015.
Le meilleur des gens
Il y a quelque chose dans le Grand défi qui fait sortir le
meilleur des gens. Les bénévoles de l'organisation, d'abord, toujours aimables
et souriants. Denise et moi nous avons fait un marathon de serrage de mains à
l'arrivée. Si vous aviez un T-Shirt bleu de bénévole, on a du vous remercier! Sinon,
on a pensé à vous. Ensuite ceux des villes d'accueil, peu importe les heures
invraisemblables que nous leur imposions. Prenez à Nicolet (mais ça pourrait
être Asbestos, Stoneham, Lac Mégantic ou St-Georges-de-Beauce) à 4h30 du matin,
4 jeunes filles du secondaire, postées à l'entrée de la polyvalente qui sert de
base temporaire pour le convoi et dont le mandat est de nous accueillir avec un
grand sourire, un "ça va bien?", un "bienvenue chez nous!"
Pas le genre de travail qui vous vaut une place dans le bulletin de nouvelles mais
sûrement dans le classement annuel du mausus
de bon monde.
Et tous ces gens qui ont pris la peine de nous attendre sous
la pluie, au coin d'une rue, dans un village, à toute heure du jour et de la
nuit. Chacun de leur "bravo!" vaut bien un gel de glucides.
Lac Mégantic
J'en ai parlé précédemment mais il s'en dégage une ambiance difficile
à décrire. Le cratère très présent qui agit comme un rappel silencieux de la
tragédie. La dignité et la gentillesse des gens qui ont refusé de baisser les
bras et qui s'occupent de vous comme si vous étiez importants. Peut-être qu'on
l'était un peu ce jour-là, comme un passage de normalité dans un univers si
secoué.
Personne n'oubliera la noblesse silencieuse des pompiers qui
ont salué, immobiles et le regard au loin, le passage du peloton. Ces gens-là
ont vécu l'enfer, ils portent le poids d'une immense douleur. Mais on dirait
que consciemment, volontairement, ils ont décidé qu'ils se reconstruiraient,
avant même les édifices démolis. Admirables.
L'arrivée à Montréal
De mes 6 années de Défi, sûrement la plus belle arrivée. Le
soleil, enfin. Un passage par le Plateau Mont-Royal, noir de monde et animé
tout du long par des troupes de joueurs de tambour. J'avoue avoir essayé de
danser sur le pédalier. Pas convaincant comme essai. L'entrée sur l'esplanade
du stade Olympique entre deux rangées de spectateurs déchaînés. Difficile de ne
pas se laisser gagner par l'émotion. Et le regard des enfants, impressionnés
par cette masse de chevaliers modernes, casqués et vêtus pareils, qui marchent
en tenant leur monture, enfin au repos, par le guidon.
L'un deux, un p'tit gars avec un chandail des Canadiens m'a
regardé droit dans les yeux. J'avais l'impression qu'il me posait 1000
questions silencieuses. Je me suis dit que je devais faire quelque chose alors
je lui ai donné ma bouteille d'eau, la vraie, officielle du GDPL 2014. Le
garçon l'a prise avec un petit sourire, timide comme s'il comprenait que ce
n'était pas banal.
Pour l'instant elle est trop grande pour son cadre de
bicyclette mais ça devrait bien faire un jour!
Notre équipe
Trois ans avec le même groupe, sans une seule saute d'humeur
entre nous, malgré la fatigue, le manque de sommeil, le brassage continuel en
VR, faut le faire!
Je pourrais essayer de vous faire un portrait détaillé de
chacun mais je ne leur rendrais pas justice. Alors, en quelques lignes...
Hélène Aubin.
Notre chauffeuse. Une truckeuse dans le body d'une cycliste. Reste maintenant à
lui en faire faire, du vélo! Je pense que la Boucle 2015 devrait être le début
de sa carrière sur deux roues. Toujours de bonne humeur, calme au volant peu
importe l'heure. Mais capable d'y aller de quelques invectives bien senties
pour l'occasionnel "tata" qu'on croise sur la route. Avec Mme Ménard,
responsable de la diffusion des potins. Indispensable.
Sébastien L'Écuyer.
S'il était dans l'armée, on dirait qu'il est "un officier et un
gentleman". Un gros rouleur qui s'est tapé les étapes les plus costaudes.
Toujours un mot d'encouragement, un sourire. Un sens de l'humour discret mais
dévastateur. A cependant une curieuse tendance à poser des questions quand il
dort. Faudrait vérifier avec Marie-Joëlle...
Danny Morin.
L'autre moitié du tandem des gros rouleurs avec Sébastien. Lui aussi a testé
ses limites avec succès, notamment dans la très rapide et longue dernière
étape. Tout de même étonnant qu'un gars qui parle autant puisse avoir autant de
souffle. A réussi l'exploit sportif du week-end, replacer une chaîne
"débarquée" avec le bout du pied... en roulant à plus de 30 km/h!
N'essayez pas cela, ça prend un athlète ET un acrobate pour réussir le coup.
Pierre Audet. A
découvert le vélo à cause du Défi il y a 6 ans. En progression constante, à
force de travail. Pour vous dire, il s'est tapé on ne sait combien de fois,
depuis la fonte des neiges un long parcours de côtes de Chicoutimi-Nord à
Sainte-Rose-du-Nord pour devenir un meilleur grimpeur. L'entraînement a payé
dans la dure étape Lac Mégantic /
Asbestos, sa plus belle réussite à vie sur roues. À l'origine de quelques-uns
des plus gros fou rires dans le VR, généralement autour de choses comme les
surnoms "Ti-prout et Ti-pet" de nos collègues Danny et Sébastien. Je
sais, je sais, fallait être là... Citation: "On est plus d'un âge pour
faire ça!" Il (et nous aussi) ne le croit pas une seconde.
Mme Ménard:
Animatrice sociale du VR, devenue une cycliste accomplie. Elle a roulé dans le
vent, l'eau, le froid, le noir, toutes des choses qu'elle n'aurait jamais pensé
faire. Et elle a aimé ça! Un exemple du fait qu'on peut s'améliorer beaucoup et
pendant très longtemps si on y met le temps et la persévérance. Beaucoup plus
facile à vivre cette année puisqu'elle avait été délestée de ses tâches
d'écoterroriste. À tout de même été la mère du groupe et pris soin de ses
garçons. Garçons qui sont d'ailleurs vraiment à l'aise avec elle. Je crois que
je suis le seul qu'elle n'a pas vu tout nu de la fin de semaine!
Moi: j'ai encore
essayé de jouer le Capitaine, de prendre soin des vélos et du moral des
cyclistes, de calmer les nerveux. "Ben, non, y'a pas tant de côtes que
ça" (alors que je disais justement que ça allait monter en ta...).
Victoire personnelle, j'ai réussi mon défi privé, faire la montée du Parc des
Laurentides "à l'aise". Je voulais me reprendre sur la fois
précédente où j'avais crampé et souffert. C'est fait, malgré les conditions
climatiques. Restera sur le dessus de la pile de mes beaux souvenirs. Vous
n'avez pas idée à quel point on est content de voir une affiche du Coq Röti, vers
une heure du matin après 100 km de route dans l'eau et le froid...
Un 7e ?
C'était le 6e GDPL pour l'équipe Olympe, le 6e pour Pierre
et moi. Y'en aura-t-il un 7e? Ça reste à voir. Nous refaisons la discussion à
chaque année. Le Défi change un peu, nous on est de moins en moins enthousiastes
à l'idée de devoir encore demander des sous dans notre entourage. Alors on va
voir au cours des prochains mois.
Merci à vous tous qui avez eu la patience de me lire pendant
le GDPL. Depuis quelques années l'épreuve sportive s'est doublée pour moi d'un
très agréable devoir d'écriture. J'espère avoir réussi à vous faire vivre (un
peu) comment on se sent dans le tourbillon du Défi.
Mes coéquipiers et moi avons beaucoup aimé lire vos
commentaires et vos encouragements. Quelque part dans le noir, quand on se fait
brasser dans un VR en route de quelque part vers... ailleurs, un petit bravo ou
un "GO Olympe!" prends une dimension que vous ne pouvez pas imaginer.
Au plaisir!
Guy